L’entretien et la gestion des bords de voiries sont un enjeu considérable pour la gestion et la préservation du bocage et de l’arbre champêtre. D’autant plus que, sur le territoire d’une commune, ce sont les services techniques qui sont, le long de la voirie, le premier gestionnaire de haies en terme de linéaire entretenu…
On constate souvent des pratiques maximalistes (talus fauchés jusqu’en haut, haies broyées jusqu’au ras du tronc…) Ces pratiques sont justifiées par un souci de « faire propre », et résultent d’habitudes de travail anciennes. Les élus locaux les justifient aussi par des impératifs règlementaires ou des nécessités de sécurité. Qu’en est-il réellement ?
Que dit la loi ?
D’après la loi, les haies doivent être conduites à l’aplomb de la limite de la voirie. Où est la limite de la voirie ? La législation est différente selon qu’il s’agit de chemins ruraux ou de voies communales. Ces dernières font partie du domaine public. C’est donc le code de la voirie routière qui s’applique alors que les chemins ruraux font partie du domaine privé de la commune et c’est le code rural qui fait foi.
L’assiette des voies communales comprend les accotements et les fossés, conformément à l’article R 141-2 ; de plus, on admet généralement que la limite de la voirie correspond, au haut du talus dans le cas d’un talus supérieur et au bas du talus dans le cas d’un talus inférieur. Le domaine public routier comprend donc la voie de circulation, les banquettes, les fossés et les talus s’ils existent. Comme la loi prévoit que les haies doivent être entretenues à la limite de la voirie, on assiste souvent à un entretien sévère des talus et des arbres qui poussent en limite de talus.
Pour les chemins ruraux, qui relèvent du domaine privé de la commune, la limite est plus difficile à déterminer. Un arrêt de la Cour d’appel d’Agen considère même que le talus qui soutient le fond supérieur appartient au fond supérieur. Un arrêt du Conseil d’Etat considère que le talus utile à la conservation du chemin est une dépendance du chemin et qu’il fait partie de la propriété de la commune. On pourrait donc considérer que, dans un chemin creux, les talus appartiennent aux propriétaires riverains ; seul le talus qui soutiendrait un chemin rural ferait partie de ce chemin.
Est-ce la seule distinction ?
Non. Le code de la voirie routière interdit, sans autorisation, de planter ou laisser croître des arbres ou des haies à moins de deux mètres de la limite du domaine public routier, alors que le code rural précise que les plantations d’arbres et de haies vives peuvent être faites le long des chemins ruraux sans conditions de distance, sous réserve que soient respectées les servitudes de visibilité et les obligations d’élagage. On peut remarquer au passage l’écart qui existe entre la loi et la réalité de terrain : tous les arbres qui couronnent les talus le long des routes départementales et voies communales sont « illégaux »…
Quelles sont les obligations des communes ?
Là aussi, il y a des distinctions. L’entretien des voies communales est une dépense obligatoire des communes, d’après le code général des collectivités territoriales. Au contraire, le code rural prévoit que ce sont les propriétaires ou exploitants qui doivent entretenir les haies le long des chemins ruraux.
Que préconisez-vous pour harmoniser les pratiques et concilier sécurité routière et préservation de la biodiversité ?
Toutes ces distinctions ne facilitent pas une bonne lisibilité pour les élus et les services techniques ; on assiste souvent dans les faits à une extension des pratiques d’entretien de la voirie communale aux chemins ruraux. Les pratiques actuelles intensives se font donc au détriment de la préservation de la biodiversité et de la gestion de l’arbre champêtre et des haies, tout en nécessitant des moyens importants en matériel, personnel, carburant… et budget. Une amélioration de la législation afin de concilier sécurité et protection de la biodiversité serait souhaitable.
Dans l’attente, et plutôt que de se focaliser sur la définition des limites, il faudrait revenir à l’esprit de la loi qui met l’accent sur la « sécurité et la commodité de la circulation ».
Sur les voies communales, dans un premier temps, on peut abandonner l’entretien latéral rigoureux des haies en haut de talus, et ainsi restaurer les fonctionnalités de la haie (soutien aux pollinisateurs et à l’avifaune par la production de fleurs et de fruits, effet brise-vent…) On peut aussi envisager, lorsque la sécurité n’est pas remise en cause (hors virage sans visibilité et abords immédiats des intersections), la recolonisation des talus par de la végétation spontanée, gratuite et à portée de main. Seuls un entretien régulier de l’accotement, et un entretien annuel du fossé seraient maintenus.
Sur les chemins ruraux, généralement non revêtus, et où la circulation est réduite, il y a très peu d’exigence de sécurité, et l’entretien pourrait se limiter à maintenir une largeur dégagée suffisante pour le passage.
Et en ce qui concerne la sécurité et la visibilité ?
Un entretien latéral intensif donne à l’usager un faux sentiment de visibilité, et incite à une vitesse plus importante (la vitesse étant la deuxième cause d’accident après l’alcool). Aucune préconisation de la Sécurité Routière ne concerne un manque de visibilité. Par contre, (rapport de 2007), « les routes de rase campagne […] caractérisées par une facilité de trafic qui autorise des vitesses élevées […] représentent le plus grand enjeu en matière de sécurité ». Il est paradoxal de voir se multiplier les aménagements de réduction de vitesse en entrée de bourgs, et de continuer dans le même temps un entretien intensif qui incite à des vitesses élevées sur la voirie communale. On peut diminuer la vitesse des conducteurs, et les risques d’accident, en laissant se recoloniser les talus avec des végétaux champêtres.
C’est un changement radical des pratiques !
C’est d’abord un changement radical des priorités.
Au lieu de « faire propre », restaurer la biodiversité. Au lieu de couper tout ce qui peut être coupé, préserver tout ce qui peut être préservé. Au lieu d’entretenir de la même façon les voies communales très fréquentée et les petits chemins ruraux, adopter une gestion différenciée. Passer de la logique « on fait plus parce qu’on a plus de matériel et de personnel » à une logique de conciliation des impératifs de sécurité et environnementaux.
Transformer tout le linéaire de la voirie en trame verte : l’enjeu est énorme. De manière prospective on peut même considérer la voirie comme un énorme potentiel de production de biomasse et de préservation de la biodiversité actuellement sous exploité.
Pour en savoir plus:
Pour ne plus voir ce qu’on voit trop souvent: http://loire-atlantique.lpo.fr/docs%20telechargeable/Entretien_haies_janvier_2011.pdf
Tout savoir (ou presque) sur la régénération naturelle assistée: http://www.arbre-et-paysage32.com/pdf/page08/livret_RNA_P-Auch.pdf
Ca existe déjà en vrai: http://eau-et-biodiversite.fr/downloads/RNA.pdf